« [No] Man’s Land » Marie-Hélène Le Ny

« Très jeune, je me suis intéressée à la photographie – que je pratiquais
parallèlement au dessin et à la peinture pendant mes années de lycée –
mais ce n’est qu’au cours de mes études à l’école des beaux-arts de Rouen
de 1980 à 1985 qu’elle est devenue mon matériau de prédilection. Plus
qu’aucun autre médium, la photographie me permet d’élaborer mon
rapport au monde en questionnant ses apparences. Sa richesse plastique
permet de l’intégrer à des projets complexes qui débordent l’aspect
documentaire de la photographie. L’associer à d’autres types de matériaux,
du texte, ou en polyptyque démultiplie les voies de recherche. […] J’ai donc
poursuivi mon exploration du médium photographique depuis 1985, avec
une
prédilection pour les associations d’images, ou d’images et de texte ;
l’être
humain et ses comportements restent au coeur de mes interrogations
et de ma
curiosité et la découverte du monde et de l’autre alimente ma création
depuis
toujours. Les notions de mémoire et de transmission sont également très
importantes dans mon travail. »

Explorant la notion de territoire, je poursuis dans cette série un travail
d’assemblage. Mes premières recherches photographiques m’avaient
conduite à expérimenter la suite et le collage, avant de mettre régulièrement
en forme des polyptyques photographiques ou d’associer des mots et des images.
L’association d’images permet de prendre une certaine distance avec le fait brut,
le document attestant d’une réalité. Introduisant de la complexité, elle renvoie à
la fragmentation du réel opéré par le cadrage comme coupe dans l’espace-temps,
permettant en quelque sorte l’irruption d’un hors-champ qui dévoile quelques plis
supplémentaires du réel... La multiplication à l’infini de l’image photographique
dans notre quotidien, redoublée par l’usage du numérique et du téléphone faiseur
d’images qui permet de figer et de partager gratuitement tous les instants
de notre vie ou de celle des autres, procure un certain vertige en saturant notre
présent et notre mémoire. Nous sommes de plus en plus nombreux à consacrer
une part importante du temps de notre brève existence à regarder des images,
de toutes natures – le plus souvent sur des écrans. Ils deviennent plus fascinants
que la vie réelle, s’imbriquant avec elle de façon hypnotique, compulsive, ou parfois
même addictive. Chaque image (fixe ou animée) issue d’un passé proche ou
lointain s’oblitérant instantanément d’elle-même, en appelant déjà la suivante...
La profusion annihile toute volonté de contemplation et parasite le choix et la
hiérarchie de ces représentations. La Terre restera-t-elle encore longtemps le
territoire de nos jeux, de nos vies et de nos rêves, parfois même de notre bonheur
? Ou bien, objet de nos convoitises effrénées, deviendra-t-elle un jour prochain
un « [No] Man’s Land » ?

Exposition du 28 septembre au 12 octobre 2012
« [No] Man’s Land »

  • 11°59’02.01»S/55°43’25.88»O
    11°59’02.01»S/55°43’25.88»O
    tirages couleurs contrecollés et encadrés / 75 x 100 cm et 94 x 124 cm