8 janvier au 13 février - Jacques Rouby  

Cartons Sculptés & Autres oeuvres 

 L’Ordalie

Le travail de Jacques Rouby est hallucinant. Production « titanesque », comme il le dit lui-même, mais surtout marquée par la vitale nécessité de destruction qui anime ce créateur, comme si l’oeuvre elle-même avait vécu de cette passion d’en finir avec elle. Proliférante, l’oeuvre obsède, captive intégralement la vie de cet homme que fascine la métamorphose naturelle, les matériaux torturés par le temps : oxydation, scarification, pigmentation corrosive des matières, l’index de la mort au coeur même du vivant. Jusqu’en 2007, année où il perd son atelier pour cause d’inondation, il ne cesse de produire, de détruire pour inlassablement recycler. 

Ses amis se souviennent de l’extraordinaire atmosphère du lieu : masques entassés par centaines tels les crânes exhumés d’une nécropole, moulages, dessins, cartons peints empilés…Il met à l’épreuve supports et matières, les exposant aux intempéries, à la décomposition, sorte d’ordalie qui au final marque les oeuvres d’une sorte de valeur sacrée. Sauvées, elles faillirent bel et bien disparaître. On doit à Geneviève Bonnefoi la découverte et l’exposition organisée à l’abbaye de Beaulieu en 2008 des grands cartons peints, à Michel Rouby de les avoir préservé et à Jacques Rouby d’avoir au bout du compte supporté que vive et soit protégé ce Titan qui en même temps qu’il naissait épuisait et dévorait sa propre vie. 

Je dois à Jacques l’émotion, la sorte d’état de grâce dans laquelle me mirent la découverte de ses dessins - ses « siestes » comme il les appelle, exécutées à la façon des surréalistes s’exerçant à l’écriture automatique, doigts déliés, secrétaires des images en provenance directe de l’inconscient - puis des fameux cartons peints aux reliefs extraordinaires, topographies de territoires disparus, cartographies de cités antiques. 

L’exposition du mois de janvier 2015, « Cartons Sculptés & Autres Oeuvres», présente pour la troisiéme fois à Paris les cartons peints et sculptés , pièces maîtresses d’une oeuvre forte et inspirée.

/Isabelle Floc’h.