Du 7 janvier au 4 février

Paysage Intime

La Ralentie présente la troisième exposition honorant le travail des quatre lauréats du concours 2015 qui avait pour thème « Paysage Intime ».

La galerie accueille Anna Mindszenti Calisch • Julie Zaccone • Philippe Nicolas • Camille Oarda pour l’exposition « Paysage Intime ».

 

La Ralentie est heureuse de présenter les travaux des quatre Lauréats du concours 2015 sur le thème de " Paysage intime". Le jury a plébiscité le travail d'une jeune artiste photographe, Julie Zaccone, dont c'est ici la première exposition. Femmes égarées, se cognant contre les vitres d'un rêve, prisonnière des voiles qui sont autant de peaux translucides et prolongées de leur corps, peaux extensibles qui s'étirent tel le tissus d'une robe vague et floue. Femmes qui dansent ou se débattent. Femmes à délivrer ? Non, et c'est la force du travail de Julie Zaccone, photographe surdouée. Elle nous met face à de subtiles camisoles, tellement belles et lumineuses que l'on regarde, vaguement sidérés, la libellule humaine qui lutte à l'intérieur, devinée, suggérée, dessinée par l'enveloppe-chrysalide des voiles. Nous n'interviendrons pas pour délivrer cette féminité captive. Nous nous laisserons hypnotiser par ce suspens magique, esthétiquement parfait, retenus dans un sentiment de délicieuse terreur. Deviendront-elles papillons ? En attendant, elles sont créatures, germe de lilliputiennes épinglées sous la blancheur lumineuse, baignées d'une onde douce et dorée. L'artiste ici aura réussi ce pari de faire naitre sous nos yeux l'instant palpable des métamorphoses, duquel pourrait surgir la délivrance ou la grâce ambiguë d'une pâle beauté couvant inconsciemment l'Alien qui la tue.

Le public aura su se mettre ex-æquo sans concertation pour élire Camille Oarda et Philippe Nicolas. Deux univers radicalement différents, originaux et assumés, critères déterminants en accord avec ceux de la Ralentie. Camille Oarda, graveur, nous présente ici un univers audacieux, essentiel. La hardiesse de son trait, tout autant que sa proposition plastique - perspectives et cadrages absolument inédits - nous oblige à un allez-retour subtil entre l'infiniment grand et l'infiniment petit. Comme si microcosme et macrocosme se présentaient en même temps au regard, dans une troublante instantanéité. L'artiste embrasse les mondes et les fond habilement, dans une économie de moyen - ici magistrale utilisation du noir et du blanc. Elle prend ainsi au corps le spectateur dans une sorte de captivant raccourci, et en cela elle a l'autorité des visionnaires, des arpenteurs secrets, de ceux pour qui les détails deviennent chaque jour de véritables planètes.

Philippe Nicolas, dans un tout autre genre, se fait inventeur de mondes. Ses cartographies poétiques et candides nous soufflent à l'esprit différents univers, polysémies subtiles où l'on voit tout à tour des vitraux de cathédrale ou les circuits électroniques d’une informatique inconnue et nouvelle, du genre naïf. Les couleurs s'y invitent, aussi douces qu’intenses, et nous glissons avec plaisir dans cet univers tendre, attachant, qui nous invite et nous rappelle l'enfance, les jeux, l'insouciance, les roues libres de l'imaginaire. Artiste complice d'un temps précieux, celui des marelles, de nos paradis, de nos enfers en chantonnant.

Enfin La Ralentie a retenu Anna Mindzenti Kallisch. La force sombre de ses images est première, fondamentale et fait le socle de son exigeant travail. La nuit qu'elle convoque, bruissante de mouvements devinés, esquisses d'âpres et mystérieux combats muets, confronte. Elle nous met face à nos propres obscurités, à nos fixités sans lumières, aux sourdes pulsions qui nous traversent, et avec elle, pour dire Henri Michaux "La nuit remue". Entre peinture et photo, ses images se patinent d'un halo sombre, charbonneux et cendré où les corps baignent a demi consumés, à l'orée ou au sortir d'ultimes combats. Callish peint, elle s'inspire des photographies auxquelles elle redonne, grâce à l'huile, la densité et l'énergie dangereuse d'une vie retrouvée, tout aussi libre que négative, dont on ne sait l'issue, dont on ignore si reviendra l'aube. Ce qui produit, devant certaines images, un temps d'arrêt durant lequel on croit entendre le halètement des corps traversés par une violence sans nom.

 Isabelle Flo'ch.