"Sensitives" Muriel Napoli et Ana Tornel

Sensitives

Plantes rampantes épineuses  dans les régions tropicales, les Sensitives se replient au
moindre choc (vent, pluie, toucher…).  Elles ferment  aussi leurs feuilles  la nuit pour
se protéger des intempéries et des prédateurs  herbivores en un mouvement  des plus
spectaculaires du règne végétal.  Surnommées également  ‘Marie-honte’ ou  ‘Honteuse
femelle’ aux Antilles ou encore ‘Trompe-la-mort’ en Nouvelle-Calédonie, les Sensitives
n’ont pas fini de livrer tous leurs secrets. Un peu comme Muriel Napoli et Ana Tornel…

Le végétal (fleurs, herbe, arbres) justement, fréquente les tableaux de Muriel Napoli ainsi
que le minéral. Beaucoup.  Des roches,  des météorites, des sédiments…  Ca explose,  ça
jaillit, ça brûle dans une sorte d’éruption permanente, à la façon d’un volcan jamais repu.
De larges  traces noires et  blanches,  parfois  teintées  de bleu, irradient ses toiles.  Elle a
longtemps cherché avant de rompre avec la figuration, la couleur ; pour trouver son format
(un carré de 90x90 ou 60x60), sa manière  de faire – à même  le sol. Muriel Napoli  théorise
peu, se lève tôt et expérimente à l’envi : fusain, encre de chine, acrylique, couteau, pinceau,
brosse…

Autodidacte,  elle explore  à sa manière,  empirique ; ouverte  au hasard, disponible à
l’aventure. Peu à peu, l’artiste marseillaise tend à l’épure. Partie de strates successives
abruptes  (quelques nuances de gris),  ses  oeuvres évoquent  par la suite  une  version
dévoyée des planches du test du Rorschach ou les environs de la calligraphie asiatique.
A d’autres moments, elle se rapproche du monochrome. Comme les Sensitives, Muriel
Napoli  cesse  toute  activité  quand la nuit menace.  Avant de s’y remettre au point  du
jour…

.

Meteor

.

Photographe, Ana Tornel  vit et  travaille à Paris.  Passée  par la  presse magazine,  elle
conserve  l’instinct  d’observation  du  reporter  qui  sommeille.  Ses  pas  l’amènent
incidemment à shooter des stylistes (Créateurs de mode, 1998/2000), à s’attarder sur
les  plaisirs  aquatiques  de gamins  (Nager, un jeu d’enfants, 2000/2009)  avant de se
fixer vers des horizons plus personnels (Jardins secrets, secrets de jardins, 2011/2012).
Dévouée à la photographie argentique, même si elle maîtrise le numérique, Ana Tornel
voyage là dans le végétal,  dans un univers  mystérieux et insolite. Comme si cette flore
redessinait  avec  elle  une  autre  architecture  urbaine.  En contrebande. Persuadée, dès
la prime enfance,  que l’herbe  est forcément  plus verte ailleurs,  elle traque,  presque à
son insu,  l’envers  du décor.  A sa main,  à son rythme.   Toujours  à  la  recherche  du
meilleur outil, elle s'inscrit  l'an  dernier  à  un atelier, auprès de  Quinn Jacobson,  pour
s’aguerrir au ‘collodion humide’, un procédé singulier qui remonte aux origines de la
photo. Le   ‘collodion humide’  nécessite  une  patience  infinie,  une  humilité à  toute
épreuve devant la lenteur et la frustration afférentes à l’exercice. Un sacerdoce d’artisane,
hors du temps, qui lui convient à merveille.

En anglais,  sensitive  est  presque  un  faux-ami,  il signifie  ‘sensible’,  ‘vulnérable’.
Des épithètes qui caractérisent au plus près le travail de Muriel Napoli et Ana Tornel.
Deux femmes qui ont pris leur temps, s’autorisant des pauses, qui ont maturées selon
leur propre horloge créative. A l’instar de la mimosa pudica, le patronyme binominal
de la Sensitive, une plante dont on sait qu’elle est aussi nyctinastique -elle ouvre ses
feuilles (à l’aube) et  les  ferme (au crépuscule) -   mais  dont on  ignore  pourquoi…
Une parabole des plus plausibles !

.

0262 15a

.

Muriel Napoli et Ana Tornel
Exposition du 22 mai au 14 juin 2013 /" Sensitives "